| Titre : | Pratiques - Réflexions sur l'art N°11 | | Type de document : | texte imprimé | | Auteurs : | Roselyne MARSAUD PERRODIN, Directeur de publication, rédacteur en chef ; François PERRODIN, Directeur de publication, rédacteur en chef ; Maria STAVRINAKI, Auteur ; Lambert WIESING, Auteur ; Gottfried JÄGER, Auteur ; Isabelle EWIG, Auteur ; Catherine ELKAR, Auteur ; Brigitte CHARPENTIER, Auteur | | Editeur : | Rennes : Presses universitaires de Rennes | | Année de publication : | 2001 | | Importance : | 144 pages | | Présentation : | Ill. coul et N&B | | Format : | 24 cm | | ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-86847-673-9 | | Prix : | 90 F | | Note générale : | La revue "PRATIQUES, Réflexions sur l'art" propose un recueil de documents destinés a mettre en evidence les enjeux des pratiques artistiques contemporaines, que ces enjeux relevent plus particulièrement du domaine du concept, de la forme plastique ou de la monstration.
Nous pensons en effet que cette articulation est aujourd'hui essentielle dans la mesure ou l'approche analytique, la concretisation et le "faire", la perception et la reception des oeuvres sont plus que jamais en interaction.
Cette approche en trois parties est developpee sous forme de dossiers monographiques ou thematiques dans les sections
"Theorie", "Pratique", et "Mediation",
qui definissent et structurent la revue.
"PRATIQUES" est soutenue par trois institutions en correspondance avec les axes de réflexions de la revue :
l'Ecole des beaux arts de Rennes,
le Laboratoire "Critique et Théorie" de l'Universite Rennes 2,
le Fonds Regional d'Art Contemporain de Bretagne.
Elle est éditée en collaboration avec les
Presses Universitaires de Rennes.
La parution de "PRATIQUES" est semestrielle. | | Langues : | Français (fre) | | Catégories : | Arts Beaux-Arts et arts décoratifs
| | Index. décimale : | 700.1 Philosophie et théorie des arts | | Résumé : |
ÉDITORIAL
Roselyne Marsaud Perrodin - François Perrodin
Quels sont les fondements qui ont construits la modernité ? On connaît ce qu’a été le Bauhaus et le projet global qu’il portait. On en connaît moins les bases idéologiques, surtout au niveau d’une conception unitaire de l’art qui en est quand même le fil directeur. C’est l’ensemble de cette effervescence au début du 20ème siècle en Allemagne, les enjeux qui se font jour entre expressionnisme et cubisme, entre pathos et structure, et la possibilité d’envisager une synthèse des arts dans l’architecture que pose le texte de Maria Stavrinaki. Une tension fondamentale travaille la conception que l’expressionnisme architectural allemand se faisait de l’unité des arts : ses deux pôles seraient l’adhésion au credo de la réciprocité essentielle entre les arts et la foi en la supériorité de l’architecture. La tension ne reste pas pour autant indissoluble, dans la mesure où l’unité s’avère être une clôture de l’ensemble des arts par l’architecture. L’identification de l’architecture à une intelligence et à une mise en forme universelles va ici de pair avec l’énoncé d’une défectuosité native des autres arts. L’intériorisation de la mise en forme architecturale par la peinture et la sculpture, et leur intégration matérielle au sein de l’édifice architectural se proposent comme remèdes. Cette logique clôturante trouve son moment ultime dans l’exclusion d’une certaine mise en forme abstraite de la peinture. L’agôn entre l’architecture et la peinture se précise comme celui entre la ligne et la couleur. Mais l’architectonisation des arts n’a pas uniquement une signification esthétique. Elle est originellement déterminée par des valeurs politiques et morales, dans la mesure où le privilège accordé à l’architecture dérive de l’équivalence établie entre cet art et la communauté. Et de même que l’architecture constitue l’essence des tous les arts singuliers, de même la communauté constitue l’essence et la vraie liberté de l’homme. L’esthétisation du politique opérée par les architectes expressionnistes en Allemagne après la guerre et les révolutions prend toute sa clarté ; la « communauté socialiste du peuple » devrait se plier au modèle de l’œuvre d’art architecturale.
Nous avons déjà plusieurs fois abordé ces problématiques d’unité des arts, dès le n°2 de Pratiques en proposant un texte d’Adorno, ou d’essence de l’art dans le recueil sur l’ontologie de l’œuvre d’art dans le n°3/4. Il s’agit donc pour nous de prolonger une interrogation engagée de longue date sur ce qu’est ou ce que peut être la modernité, sur la diversité de ses formes, et sur ce qui sert aujourd’hui de base idéologique aux pratiques artistiques.
La photo est aujourd’hui un des vecteurs de base des pratiques contemporaines. Une approche de la photo que l’on peut la plupart du temps considérer comme classique, c’est à dire comme le vecteur d’une image référente, comme une empreinte du réel. C’est l’image qui compte, une image qui, à l’inverse de l’image peinte, par exemple, est dématérialisée, et se présente comme pure représentation et pure narration. La photo pourtant suit le développement de la modernité, de Rodtchenko et Moholy-Nagy aux recherches des années 60. Comme une réflexion, dans un milieu dominé par les données abstraites que porte la peinture, sur le statut de l’image, et ses enjeux esthétiques et sociaux. Mais loin de l’interrogation sur le statut de l’objet lui-même, avec un présupposé utilitariste, ou plutôt une instrumentalisation, qui semble avoir masqué la réflexion sur ce que peut être ce médium. Or il existe une photo abstraite, et depuis longtemps une interrogation sur les données qu’elle peut porter. Comme réflexion sur la vision, comme inscription possible d’un regard fondamental et essentiel. Le texte de Lambert Wiesing dont nous proposons ici la traduction interroge les moyens que nous avons de penser le photographique, comme empreinte, comme résultante d’un processus lumineux, d’un processus chimique, et débouche sur une interrogation fondamentale sur le statut de l’image et du regard. Dans ce texte, Lambert Wiesing examine scrupuleusement les enjeux et les implications des pratiques photographiques dites « abstraites » et « concrètes ». Il y a deux possibilités de penser ce type de photographie selon la question que l’on pose. Qu’est-ce que la photographie abstraite ? ou : Que pourrait être la photographie abstraite ? Ces deux voies expressément différentes entraînent un questionnement général sur les termes employés, la question de l’image, du signe, de l’essentiel et de l’inessentiel, de la contradiction des mots « abstrait » et « photo », des moyens de productions et du produit, et une mise en évidence des modalités de la pensée sur le photographiable et les processus phénomélogiques concomitants à ces considérations. Peut-on s’imaginer aussi des photographies qui ne soient pas des images ? Répondre à la question : Que pourrait être « la photographie abstraite » ? conduit au moins à trois possibilités de pensée et désigne qu’au-delà des questions de structures immanentes de l’image, de visibilité pure ou encore aux fins de l’objet concret, il s’agit toujours d’art et qu’il résiste aux principes catégoriels. Gottfried Jäger, dont le travail sur les photographies abstraites et concrètes est une référence de base pour Lambert Wiesing, nous a fait le plaisir de nous laisser reproduire certaines de ses recherches depuis 1983 accompagnées d’un énoncé formulé en 1988, dans lequel il définit le projet de son travail qui est d’agir de manière générative dans un processus continu de renouvellement et de renaissance.
Isabelle Ewig, quant à elle, envisage, dans une comparaison des parcours de László Moholy-Nagy et de Kurt Schwitters, le rapport au photographique comme une composante fondamentale de la pensée et du développement des travaux de ces artistes. Elle nous montre en quoi le médium photographique, comme élément intermédiaire ou comme fin en soi est, pour ces deux artistes, un élément majeur dans l’élaboration de leurs propositions formelles. Liés par une solide amitié, Kurt Schwitters et László Moholy-Nagy semblent en revanche n’avoir que peu de points communs sur le plan artistique. Le premier s’adonne sans retenue au collage et à l’assemblage, le second à la photographie et au film. Néanmoins, en dépassant l’a priori technique comme invite à le faire Moholy-Nagy dans son célèbre ouvrage Peinture photographie film publié en 1925, il devrait être possible de dégager une même conception de la création ainsi que des passages d’une pratique à l’autre, permettant de lire un collage comme un photogramme, le Merzbau comme le Modulateur ou encore les dessins i de Schwitters comme des photographies réalisées selon les principes de la Nouvelle Vision. Cette lecture croisée devrait mettre en évidence des procédures — la manipulation, le temps et le mouvement, la série et le cadrage — communes à ces objets apparemment très différents et autoriser à les rattacher, quelle que soit leur réalité matérielle, au pictural, au filmique ou au photographique.
Pour finir, nous poursuivons dans ce numéro la retranscription des conférences sur la question de la collection et de l’art commencées dans Pratiques 10. Catherine Elkar, à travers sa prestation sur la collection du Frac Bretagne explique la fondation, les missions et les grands axes de ce fonds riche de près de 1 8 00 œuvres. Créés à l’orée des années quatre-vingt dans le cadre d’une politique de décentralisation, les Fonds régionaux d’art contemporains sont aujourd’hui présents dans toute la France. Ils sont devenus une part essentielle de notre patrimoine. Conçus initialement à partir du modèle du Fonds national d’art contemporain, ils sont investis d’une triple mission : constituer une collection d’art contemporain, la diffuser largement et sensibiliser le public à toutes les formes de l’art vivant.
Ici, la conférence est un des moyens d’action de pédagogie active que peut mener ce type d’institution. Destinée à un public néophyte mais amateur d’art, la conférence est une médiation qui, dans la relation de la parole à l’image, guide, désigne, révèle, invite à l’expérience de l’art. Brigitte Charpentier, lors de son intervention intitulée « Portraits d’artistes en collectionneurs » poursuit un travail d’approche qui nous montre que les artistes ont souvent constitué, par le passé, des collections, qu’il s’agisse des nombreux plâtres utilisés comme modèles ou d’œuvres de leurs confrères. Mais, c’est au 20ème siècle que le fait de collectionner devient en tant que tel un acte artistique. Choisir, accumuler, inventorier, ranger, classer des familles d’objets ou d’images sont ainsi les gestes qui président au travail de nombreux artistes, issus de Dada ou de mouvements plus contemporains, des années soixante à nos jours. Ils nous questionnent sur notre façon d’aborder les œuvres que nous regardons et fréquentons, et sur cet aspect fondamental d’un œuvre qui se constitue par accumulation ; alors série, collection, accumulation ? Qu’est ce qu’une collection ? | | Note de contenu : |
SOMMAIRE :
Editorial - p. 2
THÉORIE : MODERNITÉS
— Maria Stavrinaki «L’unité du même : La modalité paragonale de l’unité des arts selon l’expressionnisme architectural allemand (1914-1921)» - p. 6
* La définition herméneutique des arts par Adolf Behne
* Le contenu idéal de l'art
* Les trois contenus particuliers de l'art
* L'élémentarité littérale et l'élémentarité immanente de l'architecture
* Pour l'objet plus spécifiquement
* Le paragone entre l'architecture et la musique
* Le trope de la motivation de l'objet : la ligne ou le cubisme : une proto-architecture
* Première problématisation du paragone entre les arts par Bruno Taut en 1914
* L'"impressionnisme spirituel" de Kandinsky : une manifestation de l'agôn entre la couleur et la ligne ?
* L'idéologie selon laquelle l'architecture est la destination du Kunstwollen d'une époque
* Le contenu politique du paragone entre les arts
* L'éveil de la conscience dans l'inconscience
PRATIQUE : PHOTOGRAPHIE ABSTRAITE ET CONCRÈTE
— Lambert Wiesing « Comment penser la photographie abstraite » - p. 48
— Gottfried Jäger « Photographie générative. Travaux sur photo papier, depuis 1983 » - p. 69
— Isabelle Ewig « Peinture photographie film. Kurt Schwitters et László Moholy-Nagy l’un par l’autre » - p. 76
* La création comme production
* L'abstraction comme dématérialisation
* La manipulation
* Le temps et le mouvement
* La série et le cadre
MÉDIATION : COLLECTIONS
— Catherine Elkar « Aperçus de la collection du Frac Bretagne » - p. 106
* Élément d'histoire
* Fondations
* Paysages, in situ, exposition
* La peinture
* Des œuvres, grandes dévoreuses d'espace
* Des artistes qui s'engagent, qui témoignent
* Un patrimoine contemporain
— Brigitte Charpentier « Portraits d’artistes en collectionneurs » - p. 117
Présentation des auteurs et des artistes - p. 134
Abstract in english - p. 135 | | En ligne : | http://pratiques.online.fr/Pages/Pag_Prat/P11/f_prat11.html |
Pratiques - Réflexions sur l'art N°11 [texte imprimé] / Roselyne MARSAUD PERRODIN, Directeur de publication, rédacteur en chef ; François PERRODIN, Directeur de publication, rédacteur en chef ; Maria STAVRINAKI, Auteur ; Lambert WIESING, Auteur ; Gottfried JÄGER, Auteur ; Isabelle EWIG, Auteur ; Catherine ELKAR, Auteur ; Brigitte CHARPENTIER, Auteur . - Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2001 . - 144 pages : Ill. coul et N&B ; 24 cm. ISBN : 978-2-86847-673-9 : 90 F La revue "PRATIQUES, Réflexions sur l'art" propose un recueil de documents destinés a mettre en evidence les enjeux des pratiques artistiques contemporaines, que ces enjeux relevent plus particulièrement du domaine du concept, de la forme plastique ou de la monstration.
Nous pensons en effet que cette articulation est aujourd'hui essentielle dans la mesure ou l'approche analytique, la concretisation et le "faire", la perception et la reception des oeuvres sont plus que jamais en interaction.
Cette approche en trois parties est developpee sous forme de dossiers monographiques ou thematiques dans les sections
"Theorie", "Pratique", et "Mediation",
qui definissent et structurent la revue.
"PRATIQUES" est soutenue par trois institutions en correspondance avec les axes de réflexions de la revue :
l'Ecole des beaux arts de Rennes,
le Laboratoire "Critique et Théorie" de l'Universite Rennes 2,
le Fonds Regional d'Art Contemporain de Bretagne.
Elle est éditée en collaboration avec les
Presses Universitaires de Rennes.
La parution de "PRATIQUES" est semestrielle. Langues : Français ( fre) | Catégories : | Arts Beaux-Arts et arts décoratifs
| | Index. décimale : | 700.1 Philosophie et théorie des arts | | Résumé : |
ÉDITORIAL
Roselyne Marsaud Perrodin - François Perrodin
Quels sont les fondements qui ont construits la modernité ? On connaît ce qu’a été le Bauhaus et le projet global qu’il portait. On en connaît moins les bases idéologiques, surtout au niveau d’une conception unitaire de l’art qui en est quand même le fil directeur. C’est l’ensemble de cette effervescence au début du 20ème siècle en Allemagne, les enjeux qui se font jour entre expressionnisme et cubisme, entre pathos et structure, et la possibilité d’envisager une synthèse des arts dans l’architecture que pose le texte de Maria Stavrinaki. Une tension fondamentale travaille la conception que l’expressionnisme architectural allemand se faisait de l’unité des arts : ses deux pôles seraient l’adhésion au credo de la réciprocité essentielle entre les arts et la foi en la supériorité de l’architecture. La tension ne reste pas pour autant indissoluble, dans la mesure où l’unité s’avère être une clôture de l’ensemble des arts par l’architecture. L’identification de l’architecture à une intelligence et à une mise en forme universelles va ici de pair avec l’énoncé d’une défectuosité native des autres arts. L’intériorisation de la mise en forme architecturale par la peinture et la sculpture, et leur intégration matérielle au sein de l’édifice architectural se proposent comme remèdes. Cette logique clôturante trouve son moment ultime dans l’exclusion d’une certaine mise en forme abstraite de la peinture. L’agôn entre l’architecture et la peinture se précise comme celui entre la ligne et la couleur. Mais l’architectonisation des arts n’a pas uniquement une signification esthétique. Elle est originellement déterminée par des valeurs politiques et morales, dans la mesure où le privilège accordé à l’architecture dérive de l’équivalence établie entre cet art et la communauté. Et de même que l’architecture constitue l’essence des tous les arts singuliers, de même la communauté constitue l’essence et la vraie liberté de l’homme. L’esthétisation du politique opérée par les architectes expressionnistes en Allemagne après la guerre et les révolutions prend toute sa clarté ; la « communauté socialiste du peuple » devrait se plier au modèle de l’œuvre d’art architecturale.
Nous avons déjà plusieurs fois abordé ces problématiques d’unité des arts, dès le n°2 de Pratiques en proposant un texte d’Adorno, ou d’essence de l’art dans le recueil sur l’ontologie de l’œuvre d’art dans le n°3/4. Il s’agit donc pour nous de prolonger une interrogation engagée de longue date sur ce qu’est ou ce que peut être la modernité, sur la diversité de ses formes, et sur ce qui sert aujourd’hui de base idéologique aux pratiques artistiques.
La photo est aujourd’hui un des vecteurs de base des pratiques contemporaines. Une approche de la photo que l’on peut la plupart du temps considérer comme classique, c’est à dire comme le vecteur d’une image référente, comme une empreinte du réel. C’est l’image qui compte, une image qui, à l’inverse de l’image peinte, par exemple, est dématérialisée, et se présente comme pure représentation et pure narration. La photo pourtant suit le développement de la modernité, de Rodtchenko et Moholy-Nagy aux recherches des années 60. Comme une réflexion, dans un milieu dominé par les données abstraites que porte la peinture, sur le statut de l’image, et ses enjeux esthétiques et sociaux. Mais loin de l’interrogation sur le statut de l’objet lui-même, avec un présupposé utilitariste, ou plutôt une instrumentalisation, qui semble avoir masqué la réflexion sur ce que peut être ce médium. Or il existe une photo abstraite, et depuis longtemps une interrogation sur les données qu’elle peut porter. Comme réflexion sur la vision, comme inscription possible d’un regard fondamental et essentiel. Le texte de Lambert Wiesing dont nous proposons ici la traduction interroge les moyens que nous avons de penser le photographique, comme empreinte, comme résultante d’un processus lumineux, d’un processus chimique, et débouche sur une interrogation fondamentale sur le statut de l’image et du regard. Dans ce texte, Lambert Wiesing examine scrupuleusement les enjeux et les implications des pratiques photographiques dites « abstraites » et « concrètes ». Il y a deux possibilités de penser ce type de photographie selon la question que l’on pose. Qu’est-ce que la photographie abstraite ? ou : Que pourrait être la photographie abstraite ? Ces deux voies expressément différentes entraînent un questionnement général sur les termes employés, la question de l’image, du signe, de l’essentiel et de l’inessentiel, de la contradiction des mots « abstrait » et « photo », des moyens de productions et du produit, et une mise en évidence des modalités de la pensée sur le photographiable et les processus phénomélogiques concomitants à ces considérations. Peut-on s’imaginer aussi des photographies qui ne soient pas des images ? Répondre à la question : Que pourrait être « la photographie abstraite » ? conduit au moins à trois possibilités de pensée et désigne qu’au-delà des questions de structures immanentes de l’image, de visibilité pure ou encore aux fins de l’objet concret, il s’agit toujours d’art et qu’il résiste aux principes catégoriels. Gottfried Jäger, dont le travail sur les photographies abstraites et concrètes est une référence de base pour Lambert Wiesing, nous a fait le plaisir de nous laisser reproduire certaines de ses recherches depuis 1983 accompagnées d’un énoncé formulé en 1988, dans lequel il définit le projet de son travail qui est d’agir de manière générative dans un processus continu de renouvellement et de renaissance.
Isabelle Ewig, quant à elle, envisage, dans une comparaison des parcours de László Moholy-Nagy et de Kurt Schwitters, le rapport au photographique comme une composante fondamentale de la pensée et du développement des travaux de ces artistes. Elle nous montre en quoi le médium photographique, comme élément intermédiaire ou comme fin en soi est, pour ces deux artistes, un élément majeur dans l’élaboration de leurs propositions formelles. Liés par une solide amitié, Kurt Schwitters et László Moholy-Nagy semblent en revanche n’avoir que peu de points communs sur le plan artistique. Le premier s’adonne sans retenue au collage et à l’assemblage, le second à la photographie et au film. Néanmoins, en dépassant l’a priori technique comme invite à le faire Moholy-Nagy dans son célèbre ouvrage Peinture photographie film publié en 1925, il devrait être possible de dégager une même conception de la création ainsi que des passages d’une pratique à l’autre, permettant de lire un collage comme un photogramme, le Merzbau comme le Modulateur ou encore les dessins i de Schwitters comme des photographies réalisées selon les principes de la Nouvelle Vision. Cette lecture croisée devrait mettre en évidence des procédures — la manipulation, le temps et le mouvement, la série et le cadrage — communes à ces objets apparemment très différents et autoriser à les rattacher, quelle que soit leur réalité matérielle, au pictural, au filmique ou au photographique.
Pour finir, nous poursuivons dans ce numéro la retranscription des conférences sur la question de la collection et de l’art commencées dans Pratiques 10. Catherine Elkar, à travers sa prestation sur la collection du Frac Bretagne explique la fondation, les missions et les grands axes de ce fonds riche de près de 1 8 00 œuvres. Créés à l’orée des années quatre-vingt dans le cadre d’une politique de décentralisation, les Fonds régionaux d’art contemporains sont aujourd’hui présents dans toute la France. Ils sont devenus une part essentielle de notre patrimoine. Conçus initialement à partir du modèle du Fonds national d’art contemporain, ils sont investis d’une triple mission : constituer une collection d’art contemporain, la diffuser largement et sensibiliser le public à toutes les formes de l’art vivant.
Ici, la conférence est un des moyens d’action de pédagogie active que peut mener ce type d’institution. Destinée à un public néophyte mais amateur d’art, la conférence est une médiation qui, dans la relation de la parole à l’image, guide, désigne, révèle, invite à l’expérience de l’art. Brigitte Charpentier, lors de son intervention intitulée « Portraits d’artistes en collectionneurs » poursuit un travail d’approche qui nous montre que les artistes ont souvent constitué, par le passé, des collections, qu’il s’agisse des nombreux plâtres utilisés comme modèles ou d’œuvres de leurs confrères. Mais, c’est au 20ème siècle que le fait de collectionner devient en tant que tel un acte artistique. Choisir, accumuler, inventorier, ranger, classer des familles d’objets ou d’images sont ainsi les gestes qui président au travail de nombreux artistes, issus de Dada ou de mouvements plus contemporains, des années soixante à nos jours. Ils nous questionnent sur notre façon d’aborder les œuvres que nous regardons et fréquentons, et sur cet aspect fondamental d’un œuvre qui se constitue par accumulation ; alors série, collection, accumulation ? Qu’est ce qu’une collection ? | | Note de contenu : |
SOMMAIRE :
Editorial - p. 2
THÉORIE : MODERNITÉS
— Maria Stavrinaki «L’unité du même : La modalité paragonale de l’unité des arts selon l’expressionnisme architectural allemand (1914-1921)» - p. 6
* La définition herméneutique des arts par Adolf Behne
* Le contenu idéal de l'art
* Les trois contenus particuliers de l'art
* L'élémentarité littérale et l'élémentarité immanente de l'architecture
* Pour l'objet plus spécifiquement
* Le paragone entre l'architecture et la musique
* Le trope de la motivation de l'objet : la ligne ou le cubisme : une proto-architecture
* Première problématisation du paragone entre les arts par Bruno Taut en 1914
* L'"impressionnisme spirituel" de Kandinsky : une manifestation de l'agôn entre la couleur et la ligne ?
* L'idéologie selon laquelle l'architecture est la destination du Kunstwollen d'une époque
* Le contenu politique du paragone entre les arts
* L'éveil de la conscience dans l'inconscience
PRATIQUE : PHOTOGRAPHIE ABSTRAITE ET CONCRÈTE
— Lambert Wiesing « Comment penser la photographie abstraite » - p. 48
— Gottfried Jäger « Photographie générative. Travaux sur photo papier, depuis 1983 » - p. 69
— Isabelle Ewig « Peinture photographie film. Kurt Schwitters et László Moholy-Nagy l’un par l’autre » - p. 76
* La création comme production
* L'abstraction comme dématérialisation
* La manipulation
* Le temps et le mouvement
* La série et le cadre
MÉDIATION : COLLECTIONS
— Catherine Elkar « Aperçus de la collection du Frac Bretagne » - p. 106
* Élément d'histoire
* Fondations
* Paysages, in situ, exposition
* La peinture
* Des œuvres, grandes dévoreuses d'espace
* Des artistes qui s'engagent, qui témoignent
* Un patrimoine contemporain
— Brigitte Charpentier « Portraits d’artistes en collectionneurs » - p. 117
Présentation des auteurs et des artistes - p. 134
Abstract in english - p. 135 | | En ligne : | http://pratiques.online.fr/Pages/Pag_Prat/P11/f_prat11.html |
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