| Titre : | TERRAIN 77 - Automne 2022 : COMPLICITÉS | | Type de document : | texte imprimé | | Auteurs : | Émir MAHIEDDIN, Directeur de publication, rédacteur en chef ; Jérôme SOLDANI, Directeur de publication, rédacteur en chef ; Matthew CAREY, Auteur ; Pauline JARROUX, Auteur ; Magali DEMANGET, Auteur ; Kamel BOUKIR, Auteur ; Coralie MORAND, Auteur ; Élisabeth CLAVERIE, Auteur ; Waed AL-KALLAS, Auteur ; Emma AUBIN-BOLTANSKI, Auteur ; Beatrice ZANI, Auteur ; Sepideh PARSAPAJOUH, Auteur ; Sedigheh YAGHOOBI-FAZ, Auteur ; Marianne CELKA, Auteur ; Johann GRÉMONT, Auteur | | Editeur : | Nanterre Cedex [France] : Revue Terrain | | Année de publication : | 2022 | | Importance : | 202 p. | | Présentation : | ill. N&B et coul. | | Format : | 20 x 26,6 cm | | ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-492-36202-6 | | Prix : | 23,00 € | | Note générale : | Fondée en 1983, la revue d’anthropologie et de sciences humaines Terrain publie des dossiers thématiques semestriels sous forme papier. Appuyée sur des études de cas, richement illustrée, Terrain est scientifique dans son propos tout en s’adressant, par son écriture accessible et sa présentation attrayante, à un public plus large. Elle a pour ambition d’éclairer les aspects les plus divers, et parfois les moins connus, des sociétés européennes et extra-européennes. À l’aide d’un langage clair et d’une iconographie soignée, elle vise ainsi à partager avec un lectorat sensible à l’approche anthropologique les travaux les plus récents des chercheurs sur les pratiques, des plus ordinaires aux plus étonnantes, de nos contemporains.
| | Langues : | Français (fre) | | Catégories : | 2. Science:2.75 Sciences naturelles:Anthropologie 4. Sciences Sociales et Humaines
| | Mots-clés : | Terrain, revue, anthropologie, ethnographie, sciences humaines, sociales, société, étude de cas | | Résumé : | Descriptif du numéro 77 Les figures de complices semblent omniprésentes dans l’actualité récente, depuis les complices de crimes de guerre ou de terrorisme, en passant par les soupçons et accusations de complicité tacites avec des « puissants », détenteurs du pouvoir économique, politique ou intellectuel, ou au contraire avec des minorités idéologiques, ethniques ou religieuses jugées « dangereuses » ou « menaçantes ». Ce dossier propose d’interroger les ressorts de la complicité, étrange mode de responsabilité qui n’en finit pas de questionner les juristes comme les anthropologues. Dans quelles conditions partage-t-on la responsabilité d’un acte commis par un tiers ? Le droit reflète-t-il pleinement les conceptions de sa société en matière de complicité ? Est-il des situations sociales plus propices que d’autres aux accusations de complicité ? Que dit la notion de complicité de la manière dont les humains pensent leur lien avec leurs propres actions ? Que dit-elle en outre de la qualité des relations nouées entre complices ? Ce sont à ces questions que ce dossier tente de répondre à travers plusieurs études de cas, réunissant des anthropologues menant leurs enquêtes sur les formes de la complicité dans des situations variées, depuis les banlieues et les tribunaux de France aux bourgades d’Amérique centrale et aux maisons closes de Taiwan, en passant par les villages berbères de l’Atlas marocain. Ce faisant, ils proposent un regard éclairant sur les mondes de relations troubles dans lesquels nous vivons aujourd’hui, profondément marqués par l’opacité des intentions et des responsabilités de tout un chacun. | | Note de contenu : |
SOMMAIRE :
INTRODUCTION : TOUS COMPLICES ? PENSER LES RELATIONS TROUBLES
Par ÉMIR MAHIEDDIN & JÉRÔME SOLDANI
Les figures de la complicité occupent une bonne part de nos imaginaires politiques et moraux contemporains. Mais que signifie exactement être « complice » ? Derrière son caractère intuitif apparent, la complicité s’avère être une notion complexe, engageant des théories de l’esprit et de l’action, des conceptions de la responsabilité, de la personne et de l’intention. Dans le domaine du droit comme dans les opérations de jugement moral, la complicité prend différentes formes en fonction des contextes et des situations, posant des questions anthropologiques fondamentales dont cette introduction entend offrir un panorama.
MOTS-CLÉS : responsabilité, intention, anthropologie morale, anthropologie juridique
SE JURER COMPLICE : SERMENT COLLECTIF ET SUJET DE DROIT AMAZIGHS
Par MATTHEW CAREY
Les notions classiques de la complicité reposent sur l’idée que la coresponsabilité pour un acte commis par autrui est engagée par la conscience préalable des intentions de l’auteur principal. Or, le pourtour méditerranéen offre des cas de figure qui troublent cette vision des choses en distribuant la responsabilité non pas en fonction d’un état d’esprit, mais d’une identité ou d’une volonté partagée, par exemple la vendetta ou le serment collectif amazigh. Cet article propose d’analyser cette opposition entre les deux systèmes d’attribution de la responsabilité, et surtout entre les visions concurrentes du sujet de droit et donc du sujet tout court qui les sous-tendent.
MOTS-CLÉS : serment collectif, sujet de droit, vendetta, Berbères, Imazighen
EN QUÊTE DE COMPLICITÉS : LES LOGIQUES PLURIELLES D’ACCUSATION AU PROCÈS DES ATTENTATS DE JANVIER 2015
Par PAULINE JARROUX
Entre septembre et décembre 2020 s’est tenu le procès des attentats de janvier 2015. Si l’audience visait à déterminer la responsabilité de 14 individus, d’autres complicités avec les faits jugés, situées à plus ou moins grande distance du périmètre de l’instruction, ont été énoncées à l’audience. Témoignant de luttes de cadrage portées par des acteurs différents, ces complicités « autres » ont différemment éprouvé l’espace symbolique de l’audience et ont contribué à politiser le prétoire. Elles ont diversement travaillé les acteurs du procès – y compris le chercheur – en contribuant notamment à complexifier les lignes de tension classiques entre défense, partie civile et accusation.
MOTS-CLÉS : procès, attentats, ethnographie, luttes de cadrage, politisation
AVEC LA COMPLICITÉ DU DIABLE : L’IMPUNITÉ DES CRIMES DANS UN VILLAGE MEXICAIN
Par MAGALI DEMANGET
Cette contribution traite de l’ambiguïté de la complicité depuis la perspective d’une économie morale de la corruption. Elle prend appui sur une ethnographie du soupçon pour aborder la question de l’impunité des crimes dans une ville indienne mexicaine. L’exploration de divers témoignages associés à des meurtres conduit à dégager la projection de la contradiction de la « banalité du mal » dans la figure d’un diable vernaculaire. Par son association à des auteurs présumés de crimes, ce diable apparaît comme l’encryptage de la déviance sociale, et d’une violence politique par ailleurs divulguée dans la sphère publique alors que l’économie du secret et du dévoilement prend un nouveau virage.
MOTS-CLÉS : Mexique, corruption, caciquisme, sorcellerie, impunité
« SUIS-JE LE GARDIEN DE MON FRÈRE ? » LA COMPLICITÉ ENTRE CONVOITISE, HAINE ET TRAHISON
Par KAMEL BOUKIR
Après l’homicide d’un dealer, la ville de Montrimond plonge dans l’effroi. Le choc rappelle aux amis d’enfance que les relations de complicité modifient l’économie morale de leurs rapports intimes. Quand l’amitié s’abîme dans la complicité surgit un dilemme éthique : « Suis-je le gardien de mon frère ? » Cet article décrit la dynamique du soupçon qui emporte les complices sous le règne de la paranoïa, les jetant dans les rets d’une inimitié dégagée de tout scrupule moral même au plus fort de la trahison.
MOTS-CLÉS : violence, banlieue, déviance, complicité
ENTRETIEN AVEC ÉLISABETH CLAVERIE : LA COMPLICITÉ SE CACHE DANS LES DÉTAILS ENQUÊTER SUR LES CRIMES DE GUERRE
Élisabeth Claverie revient ici sur la manière dont le droit international établit la complicité pour crimes de guerre. La notion de complicité permet des jeux d’échelles entre responsabilité individuelle et violences collectives : elle injecte de l’intelligibilité dans les crimes de masse en en réduisant le nombre des responsables. Cette intelligibilité ne s’acquiert qu’au prix d’enquêtes minutieuses et détaillées, qui doivent démontrer la correspondance précise entre les faits empiriques et les nomenclatures d’incrimination. Pour saisir les ressorts de l’horreur à grande échelle, les enquêteurs doivent ainsi chercher dans le menu détail, en produisant des descriptions vétilleuses des scènes de crimes.
MOTS-CLÉS : responsabilité, droit international, crimes de masse, cour pénale internationale
FOCUS : RÉCIT REFUSER D’ÊTRE COMPLICE NUANCES DE GRIS EN TEMPS DE GUERRE
Par EMMA AUBIN-BOLTANSKI & WAED ALKALLAS
Le qualificatif « gris » (ramâdî) est apparu au début du soulèvement syrien pour désigner une personne qui refuse de s’engager dans la révolte. Pour les révolutionnaires, il est synonyme de « lâche » et de « trouillard », pour les partisans du régime assadien il a un sens semblable à « traître » ou « infiltré ». Pourtant, malgré ses connotations péjoratives, des Syriens revendiquent ouvertement cette étiquette. Ce focus s’attache à analyser l’usage de l’expression en la replaçant dans le cadre du nouveau répertoire verbal qui se développe depuis le déclenchement de la guerre en 2011. Il s’agira de démontrer qu’elle change de sens en fonction des locuteurs, de leurs appartenances et de leur positionnement politique, mais aussi en fonction des moments et des lieux.
MOTS-CLÉS : Syrie, guerre, répertoire verbal, gris, ni ni
RÉCIT : LIAISONS TROUBLES EN MAISON CLOSE FAIRE ET DÉFAIRE DES COMPLICITÉS À TAIPEI
Par BEATRICE ZANI
À partir d’une ethnographie du travail des femmes migrantes chinoises employées dans une maison close de Taipei, le récit propose une réflexion sur l’éthique de l’enquête. Il narre la production de complicités entre l’ethnographe et une pluralité d’acteurs : le maquereau local, ses partenaires, ses subalternes et les femmes. Construites in situ, les complicités se révèlent précaires et temporaires : elles se font et se défont, débouchant sur une complicité in fine impossible, faite d’ambivalences, de mensonges, de proximités illusoires, d’échanges éthiquement douteux. Dans la maison close, des relations sociales équivoques sont agencées et hiérarchisées en fonction d’intérêts personnels, de relations de pouvoirs et de complicités ambiguës au sein desquelles l’ethnographe négocie sa présence, fragile, précaire, mais est expulsée du terrain quand les complicités se rompent. MOTS-CLÉS : éthique, ethnographie, économie morale, affinités
LÂLEH, FILLE DE MARTYR LA COMPLICITÉ COMME STIGMATE
par SEPIDEH PARSAPAJOUH & SEDIGHEH YAGHOOBI-FAZ
La guerre Iran-Irak (1980-1988) a fait des centaines de milliers de victimes parmi les combattants volontaires, dont de jeunes pères de famille. Les orphelins de ceux qui s’étaient engagés ont aussitôt été considérés comme les futurs porteurs des valeurs révolutionnaires. Constituant une nouvelle catégorie de la population, ils ont été pris en charge par l’État avant même d’être en mesure de décider pour leur sort. Afin de montrer concrètement la situation malaisée de certains de ces individus, tenus pour « complices » dans une société fortement clivée depuis la f in de la guerre, ce récit non fictif présente l’histoire d’une femme de 36 ans, mariée et mère de deux enfants. Elle n’a aucun souvenir de son père qu’elle a perdu à l’âge de deux ans.
MOTS-CLÉS : martyr, guerre Iran-Irak, idéologie, République islamique d’Iran, abus de mémoire
MUSÉO : LE COMPLOT DES EMPOISONNEURS DE JUIN 1908 UN ORDRE COLONIAL VACILLANT ?
Par JOHANN GRÉMONT
Le complot des Empoisonneurs de juin 1908 fut une tentative d’assassinat des militaires de la garnison de Hanoi en empoisonnant leur repas. Il aurait dû constituer le premier acte d’un soulèvement général du Tonkin pour chasser le colonisateur français. Cette conspiration fut le fruit d’une organisation s’appuyant sur de nombreuses complicités et son impact sur la société coloniale fut important. Ce complot mit en exergue la fragilité de la position d’une administration coloniale qui mena une répression d’exception contre leurs auteurs et influença considérablement l’évolution de l’exercice de l’ordre colonial en Indochine notamment pour ce qui concerna le contrôle de la population.
MOTS-CLÉS : Indochine coloniale, complot, maintien de l’ordre, nationalisme | | En ligne : | https://journals.openedition.org/terrain/23490 |
TERRAIN 77 - Automne 2022 : COMPLICITÉS [texte imprimé] / Émir MAHIEDDIN, Directeur de publication, rédacteur en chef ; Jérôme SOLDANI, Directeur de publication, rédacteur en chef ; Matthew CAREY, Auteur ; Pauline JARROUX, Auteur ; Magali DEMANGET, Auteur ; Kamel BOUKIR, Auteur ; Coralie MORAND, Auteur ; Élisabeth CLAVERIE, Auteur ; Waed AL-KALLAS, Auteur ; Emma AUBIN-BOLTANSKI, Auteur ; Beatrice ZANI, Auteur ; Sepideh PARSAPAJOUH, Auteur ; Sedigheh YAGHOOBI-FAZ, Auteur ; Marianne CELKA, Auteur ; Johann GRÉMONT, Auteur . - Nanterre Cedex (MSH Mondes Pôle éditorial, 21, allée de l'université, 92023, France) : Revue Terrain, 2022 . - 202 p. : ill. N&B et coul. ; 20 x 26,6 cm. ISBN : 978-2-492-36202-6 : 23,00 € Fondée en 1983, la revue d’anthropologie et de sciences humaines Terrain publie des dossiers thématiques semestriels sous forme papier. Appuyée sur des études de cas, richement illustrée, Terrain est scientifique dans son propos tout en s’adressant, par son écriture accessible et sa présentation attrayante, à un public plus large. Elle a pour ambition d’éclairer les aspects les plus divers, et parfois les moins connus, des sociétés européennes et extra-européennes. À l’aide d’un langage clair et d’une iconographie soignée, elle vise ainsi à partager avec un lectorat sensible à l’approche anthropologique les travaux les plus récents des chercheurs sur les pratiques, des plus ordinaires aux plus étonnantes, de nos contemporains.
Langues : Français ( fre) | Catégories : | 2. Science:2.75 Sciences naturelles:Anthropologie 4. Sciences Sociales et Humaines
| | Mots-clés : | Terrain, revue, anthropologie, ethnographie, sciences humaines, sociales, société, étude de cas | | Résumé : | Descriptif du numéro 77 Les figures de complices semblent omniprésentes dans l’actualité récente, depuis les complices de crimes de guerre ou de terrorisme, en passant par les soupçons et accusations de complicité tacites avec des « puissants », détenteurs du pouvoir économique, politique ou intellectuel, ou au contraire avec des minorités idéologiques, ethniques ou religieuses jugées « dangereuses » ou « menaçantes ». Ce dossier propose d’interroger les ressorts de la complicité, étrange mode de responsabilité qui n’en finit pas de questionner les juristes comme les anthropologues. Dans quelles conditions partage-t-on la responsabilité d’un acte commis par un tiers ? Le droit reflète-t-il pleinement les conceptions de sa société en matière de complicité ? Est-il des situations sociales plus propices que d’autres aux accusations de complicité ? Que dit la notion de complicité de la manière dont les humains pensent leur lien avec leurs propres actions ? Que dit-elle en outre de la qualité des relations nouées entre complices ? Ce sont à ces questions que ce dossier tente de répondre à travers plusieurs études de cas, réunissant des anthropologues menant leurs enquêtes sur les formes de la complicité dans des situations variées, depuis les banlieues et les tribunaux de France aux bourgades d’Amérique centrale et aux maisons closes de Taiwan, en passant par les villages berbères de l’Atlas marocain. Ce faisant, ils proposent un regard éclairant sur les mondes de relations troubles dans lesquels nous vivons aujourd’hui, profondément marqués par l’opacité des intentions et des responsabilités de tout un chacun. | | Note de contenu : |
SOMMAIRE :
INTRODUCTION : TOUS COMPLICES ? PENSER LES RELATIONS TROUBLES
Par ÉMIR MAHIEDDIN & JÉRÔME SOLDANI
Les figures de la complicité occupent une bonne part de nos imaginaires politiques et moraux contemporains. Mais que signifie exactement être « complice » ? Derrière son caractère intuitif apparent, la complicité s’avère être une notion complexe, engageant des théories de l’esprit et de l’action, des conceptions de la responsabilité, de la personne et de l’intention. Dans le domaine du droit comme dans les opérations de jugement moral, la complicité prend différentes formes en fonction des contextes et des situations, posant des questions anthropologiques fondamentales dont cette introduction entend offrir un panorama.
MOTS-CLÉS : responsabilité, intention, anthropologie morale, anthropologie juridique
SE JURER COMPLICE : SERMENT COLLECTIF ET SUJET DE DROIT AMAZIGHS
Par MATTHEW CAREY
Les notions classiques de la complicité reposent sur l’idée que la coresponsabilité pour un acte commis par autrui est engagée par la conscience préalable des intentions de l’auteur principal. Or, le pourtour méditerranéen offre des cas de figure qui troublent cette vision des choses en distribuant la responsabilité non pas en fonction d’un état d’esprit, mais d’une identité ou d’une volonté partagée, par exemple la vendetta ou le serment collectif amazigh. Cet article propose d’analyser cette opposition entre les deux systèmes d’attribution de la responsabilité, et surtout entre les visions concurrentes du sujet de droit et donc du sujet tout court qui les sous-tendent.
MOTS-CLÉS : serment collectif, sujet de droit, vendetta, Berbères, Imazighen
EN QUÊTE DE COMPLICITÉS : LES LOGIQUES PLURIELLES D’ACCUSATION AU PROCÈS DES ATTENTATS DE JANVIER 2015
Par PAULINE JARROUX
Entre septembre et décembre 2020 s’est tenu le procès des attentats de janvier 2015. Si l’audience visait à déterminer la responsabilité de 14 individus, d’autres complicités avec les faits jugés, situées à plus ou moins grande distance du périmètre de l’instruction, ont été énoncées à l’audience. Témoignant de luttes de cadrage portées par des acteurs différents, ces complicités « autres » ont différemment éprouvé l’espace symbolique de l’audience et ont contribué à politiser le prétoire. Elles ont diversement travaillé les acteurs du procès – y compris le chercheur – en contribuant notamment à complexifier les lignes de tension classiques entre défense, partie civile et accusation.
MOTS-CLÉS : procès, attentats, ethnographie, luttes de cadrage, politisation
AVEC LA COMPLICITÉ DU DIABLE : L’IMPUNITÉ DES CRIMES DANS UN VILLAGE MEXICAIN
Par MAGALI DEMANGET
Cette contribution traite de l’ambiguïté de la complicité depuis la perspective d’une économie morale de la corruption. Elle prend appui sur une ethnographie du soupçon pour aborder la question de l’impunité des crimes dans une ville indienne mexicaine. L’exploration de divers témoignages associés à des meurtres conduit à dégager la projection de la contradiction de la « banalité du mal » dans la figure d’un diable vernaculaire. Par son association à des auteurs présumés de crimes, ce diable apparaît comme l’encryptage de la déviance sociale, et d’une violence politique par ailleurs divulguée dans la sphère publique alors que l’économie du secret et du dévoilement prend un nouveau virage.
MOTS-CLÉS : Mexique, corruption, caciquisme, sorcellerie, impunité
« SUIS-JE LE GARDIEN DE MON FRÈRE ? » LA COMPLICITÉ ENTRE CONVOITISE, HAINE ET TRAHISON
Par KAMEL BOUKIR
Après l’homicide d’un dealer, la ville de Montrimond plonge dans l’effroi. Le choc rappelle aux amis d’enfance que les relations de complicité modifient l’économie morale de leurs rapports intimes. Quand l’amitié s’abîme dans la complicité surgit un dilemme éthique : « Suis-je le gardien de mon frère ? » Cet article décrit la dynamique du soupçon qui emporte les complices sous le règne de la paranoïa, les jetant dans les rets d’une inimitié dégagée de tout scrupule moral même au plus fort de la trahison.
MOTS-CLÉS : violence, banlieue, déviance, complicité
ENTRETIEN AVEC ÉLISABETH CLAVERIE : LA COMPLICITÉ SE CACHE DANS LES DÉTAILS ENQUÊTER SUR LES CRIMES DE GUERRE
Élisabeth Claverie revient ici sur la manière dont le droit international établit la complicité pour crimes de guerre. La notion de complicité permet des jeux d’échelles entre responsabilité individuelle et violences collectives : elle injecte de l’intelligibilité dans les crimes de masse en en réduisant le nombre des responsables. Cette intelligibilité ne s’acquiert qu’au prix d’enquêtes minutieuses et détaillées, qui doivent démontrer la correspondance précise entre les faits empiriques et les nomenclatures d’incrimination. Pour saisir les ressorts de l’horreur à grande échelle, les enquêteurs doivent ainsi chercher dans le menu détail, en produisant des descriptions vétilleuses des scènes de crimes.
MOTS-CLÉS : responsabilité, droit international, crimes de masse, cour pénale internationale
FOCUS : RÉCIT REFUSER D’ÊTRE COMPLICE NUANCES DE GRIS EN TEMPS DE GUERRE
Par EMMA AUBIN-BOLTANSKI & WAED ALKALLAS
Le qualificatif « gris » (ramâdî) est apparu au début du soulèvement syrien pour désigner une personne qui refuse de s’engager dans la révolte. Pour les révolutionnaires, il est synonyme de « lâche » et de « trouillard », pour les partisans du régime assadien il a un sens semblable à « traître » ou « infiltré ». Pourtant, malgré ses connotations péjoratives, des Syriens revendiquent ouvertement cette étiquette. Ce focus s’attache à analyser l’usage de l’expression en la replaçant dans le cadre du nouveau répertoire verbal qui se développe depuis le déclenchement de la guerre en 2011. Il s’agira de démontrer qu’elle change de sens en fonction des locuteurs, de leurs appartenances et de leur positionnement politique, mais aussi en fonction des moments et des lieux.
MOTS-CLÉS : Syrie, guerre, répertoire verbal, gris, ni ni
RÉCIT : LIAISONS TROUBLES EN MAISON CLOSE FAIRE ET DÉFAIRE DES COMPLICITÉS À TAIPEI
Par BEATRICE ZANI
À partir d’une ethnographie du travail des femmes migrantes chinoises employées dans une maison close de Taipei, le récit propose une réflexion sur l’éthique de l’enquête. Il narre la production de complicités entre l’ethnographe et une pluralité d’acteurs : le maquereau local, ses partenaires, ses subalternes et les femmes. Construites in situ, les complicités se révèlent précaires et temporaires : elles se font et se défont, débouchant sur une complicité in fine impossible, faite d’ambivalences, de mensonges, de proximités illusoires, d’échanges éthiquement douteux. Dans la maison close, des relations sociales équivoques sont agencées et hiérarchisées en fonction d’intérêts personnels, de relations de pouvoirs et de complicités ambiguës au sein desquelles l’ethnographe négocie sa présence, fragile, précaire, mais est expulsée du terrain quand les complicités se rompent. MOTS-CLÉS : éthique, ethnographie, économie morale, affinités
LÂLEH, FILLE DE MARTYR LA COMPLICITÉ COMME STIGMATE
par SEPIDEH PARSAPAJOUH & SEDIGHEH YAGHOOBI-FAZ
La guerre Iran-Irak (1980-1988) a fait des centaines de milliers de victimes parmi les combattants volontaires, dont de jeunes pères de famille. Les orphelins de ceux qui s’étaient engagés ont aussitôt été considérés comme les futurs porteurs des valeurs révolutionnaires. Constituant une nouvelle catégorie de la population, ils ont été pris en charge par l’État avant même d’être en mesure de décider pour leur sort. Afin de montrer concrètement la situation malaisée de certains de ces individus, tenus pour « complices » dans une société fortement clivée depuis la f in de la guerre, ce récit non fictif présente l’histoire d’une femme de 36 ans, mariée et mère de deux enfants. Elle n’a aucun souvenir de son père qu’elle a perdu à l’âge de deux ans.
MOTS-CLÉS : martyr, guerre Iran-Irak, idéologie, République islamique d’Iran, abus de mémoire
MUSÉO : LE COMPLOT DES EMPOISONNEURS DE JUIN 1908 UN ORDRE COLONIAL VACILLANT ?
Par JOHANN GRÉMONT
Le complot des Empoisonneurs de juin 1908 fut une tentative d’assassinat des militaires de la garnison de Hanoi en empoisonnant leur repas. Il aurait dû constituer le premier acte d’un soulèvement général du Tonkin pour chasser le colonisateur français. Cette conspiration fut le fruit d’une organisation s’appuyant sur de nombreuses complicités et son impact sur la société coloniale fut important. Ce complot mit en exergue la fragilité de la position d’une administration coloniale qui mena une répression d’exception contre leurs auteurs et influença considérablement l’évolution de l’exercice de l’ordre colonial en Indochine notamment pour ce qui concerna le contrôle de la population.
MOTS-CLÉS : Indochine coloniale, complot, maintien de l’ordre, nationalisme | | En ligne : | https://journals.openedition.org/terrain/23490 |
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